Voila un retour en Argentine qui s’est excessivement bien passe. Vendredi, apres seulement cinq toutes petites heures de cars a travers les paysages desertiques de la Patagonie, je fais mon entree a El Calafate, point de depart des differents tours qui sillonnent le sud du Parc National des Glaciers. Ville verte, oasis au milieu du desert, El Calafate subit de belle maniere son essor touristique. Un peu comme Ushuaia, mais pas de port pour y debarquer nos fameux Boat People… L’endroit presente neanmoins un certain charme, et la perspective d’aller voir le glacier Perito Moreno le lendemain suffit a lui pardonner ses quelques defauts.
Samedi, reveil avec les poules et le coq qui hurle a quelques encablures de mon auberge. Je saute dans un bus double etage flambant neuf de la compagnie Always Glacier (non non, on ne se sent pas touriste pour un sou) et direction le Perito. Pendant le trajet, Andres nous livre moultes informations sur la Patagonie, la region, le glacier. Malgre tout cela, je m’avoue totalement non prepare a ce que j’apercois au detour d’un virage. Au loin, le glacier descend vers le lac Argentina, sa paroi avancant dans l’eau jusqu’a la pointe de la peninsule sur laquelle nous nous trouvons. Son avancee se fait en forme de pointe de fleche, la face Sud et la face Nord etant separee par notre mince bande de terre… Le Perito est le seul glacier de la region qui avance encore. Et pas un peu : deux metres par jour ! Dans les jours-semaines qui viennent aura lieu la « rupture », moment ou la pointe du glacier, en contact avec le continent, s’effondrera sous la pression exercee par l’eau du lac… Impressionnant !!! Le bus nous depose au debut des balcons, et je commence l’approche de la paroi Sud du glacier. 40 a 60 metres de hauteur (110 sous l’eau !), 2,5 km de long, l’ensemble est majestueux. Au fil des deux heures dont nous disposons, nous assistons a la chute de morceaux de ces parois, la reverberation et les ondes provoquees par les blocs rendant le spectacle dramatique.
Une fois l’ensemble des balcons epuises, direction le « port », ou un catamaran nous attend pour nous amener un peu plus pres du glacier. Ma frustration est sensible quand j’apprends que nous resterons a 300 metres minimum des parois. Apres seulement 10 minutes de navigation, et alors que nous sommes dans le perimetre des 300 metres, 40 metres de parois s’effondrent juste devant nos yeux. Ma frustration s’evanouit directement lorsque je vois l’eparpillement des blocs, et surtout l’onde de choc provoquee : deux enormes vagues se rapprochent a grande vitesse de notre embarcation. Notre capitaine a juste le temps de positionner son navire pour que l’absorption se passe au mieux. L’eau bouillonne encore, nous tanguons, je venere les 300 metres !
Dimanche, je m’occupe de reveiller le coq et ses poules. Mon bus m’emmene a El Chalten cette fois, dans la partie Nord du Parc des Glaciers. El Chalten, c’est 2000 habitants, des rues ou les trottoirs commencent seulement a apparaitre, et ou les connexions internet font regretter le temps de la machine a ecrire… C’est aussi le village que l’Argentine s’est empressee d’etablir pour pouvoir justifier son droit sur le territoire des Glaciers presents dans la region. Et quand on sait que le Parc represente la troisieme reserve d’eau potable du monde, apres l’Antarctique et le Groenland, il est clair que la region represente un interet geo-strategique important… Bien joue !
Juste derriere le village, le Fitz Roy et le Cerro Grande, quelques glaciers, et des sentiers a parcourir au coeur de la nature. De la route qui nous y conduit, la vue est splendide. J’avais legerement hesite a venir jusqu’ici, devant etre le 23 a Santiago, je commence a rationner mes differentes etapes. Au final, je suis ravi ! Il souffle un bon vent a decorner un bouquetin (?), la poussiere vole, ce n’est pas encore Disneyland, et les paysages au coeur du parc ont l’air grandioses.
Ce lundi, je m’arme donc de deux bouteilles d’eau et d’un petit paquet de biscuits chocolat-vanille (un ersatz de Choco-Prince locaux, pas desagreables ma foi). Direction le Cerro Grande, mont culminant a plus de 3100 metres, au pied duquel se trouve lagune et glacier. 4h aller – 4h retour. Le temps est clement, le vent leger en debut de parcours. Un panneau a l’entree du sentier me conseille de ne pas faire le trajet seul, des pumas rodant dans la region. Je ne m’y arrete pas, j’adore les chats. Un puma, c’est un gros chat et au pire, mes biscuits chocolat-vanille seront parfaits pour lancer une negociation… Apres 3h de marche, j’arrive au pied de la lagune. Le glacier se dessine au loin, occupant toute la paroi de la montagne. Une heure d’effort supplementaire, et j’arrive au sommet d’une butte, donnant une vue beaucoup plus proche du glacier. Le Cerro Torre est dans les nuages, le soleil inonde le glacier.
Lors de mes precedentes compositions, j’avais deja evoque le vent qui soufflait sur la Patagonie. Aujourd’hui, je lui ai parle, je l’ai combattu, je l’ai insulte, je l’ai vaincu. Lors de la derniere heure de ma balade, le sentier se retrecit fortement et est compose principalement de rocs et cailloux disposes en tous sens. Avec une denivelee relativement forte par endroits, le chemin reste neanmoins accessible si le vent ne s’en mele pas. Mais voila ! Eole, ayant decrete qu’il ne supportait pas mon air goguenard de limace suante sous le soleil, a decide de s’en donner a coeur joie. Jamais je n’ai connu de vents d’une telle intensite (n’allez pas sortir cette phrase de son contexte !). Soufflant de maniere continue ou en rafale, c’est tout mon equilibre qui est fausse. Et le sac a dos contenant victuailles, vetements chauds et appareil photo n’est pas la pour diminuer ma surface de contact… Plus d’une fois, je me suis senti comme le moustique qui se prend un pare-brise a 160 km/h, et plus d’une fois, j’ai du m’accroupir pour reprendre respiration et equilibre. Le moment le plus critique fut certainement celui ou, tentant de prendre une photo du glacier, une rafale m’a tout simplement fait choir sur un lit de plantes qui, heureusement, a amorti ma chute…
De retour a El Calafate, tout endolori, je sieste une petite heure avant de venir poster ce message (en esperant que la connexion ne plante pas au moment ou je clickerai sur Envoi… If you read this…). Demain, je pars pour Los Antiguos, douze heures plus au Nord, juste a la frontiere avec le Chili. De la, je devrai composer un itineraire approximatif pour rejoindre les iles chiliennes de Chiloe. Les connexions entre les differentes villes de cette region ne sont pas des plus simples, je n’exclus pas la possibilite de reprendre un petit coucou pour abreger mes temps de trajet…
Sur ces bonnes paroles, je m’en vais vite me jeter une soupe de potiron, specialite des villages a proximite du Parc si j’en crois leur presence sur toutes les cartes que je consulte. J’en suis raide dingue !