Au terme de cette troisieme semaine, me voila donc arrive au sein du village le plus austral de notre planete. Envie etrange que celle de vouloir l’atteindre finalement, car si on continue a descendre, on ne risque pas de tomber de l’assiette, mais bon… J’y suis, et j’y reste.
A Puerto Williams, on ne surfe pas sur la latitude, sur la fin du monde. On le proclame discretement sur quelques autocollants, en petites lettres imprimees sur certaines devantures. Pas de marketing a la Ushuaia. Les paquebots de croisiere sont remplaces par des chalutiers, le supermarche Carrefour par un minimercado sans frigos, les meutes de touristes par quelques trekkers…
Mais avant de parler de Puerto Williams, revenons brievement a la genese de cette semaine.
Dimanche, comme prevu, j’embarque sur un petit voilier avec cinq autres touristes. Direction le phare des Eclaireurs, en passant par de petites iles abritant colonies de cormorans et hordes d’elephants de mer. Le temps est parfait, soleil et pas un pet de vent (pas de mauvais jeux de mots), nous naviguons au moteur. Les quatre heures de trajet sont un regal. A gauche, l’Argentine et Ushuaia. A droite et derriere nous, le Chili, ses montagnes et leurs sommets enneiges. Le tout me donne envie de prendre des cours de voile une fois de retour… La soiree se deroule tranquillement a l’auberge, avant de devier vers un pub irlandais (ils sont partout) avec un petit groupe de backpackers de l’auberge.
Lundi, je m’octroie un bon vieux Day Off. Je glandouille toute la journee, reserve mon vol pour Puerto Williams a l’aeroclub et en profite pour terminer Into The Wild, mon bouquin du moment. Rien de transcendant donc, si ce n’est le temps qui est a nouveau magnifique. Avant d’arriver a Ushuaia, et lorsque je consultais la meteo sur le net, tout n’etait que froid et averse. Depuis mon arrivee, je n’ai eu que soleil et balades en T-Shirts. Selon le tenancier de l’auberge, en short ce jour-la, cela faisait quatre ans qu’il n’avait plus eu l’occasion d’en porter…
Histoire de terminer mon sejour a Ushuaia en beaute, je pars a la decouverte du Parc National de la Terre de Feu mardi en debut d’apres midi. La pizza de l’avant veille ayant provoque quelques sequelles au sein de mon organisme, je me la joue plutot tranquille et choisi un sentier de 10km le long du lac, de difficulte moyenne. Un parcours de sante en somme, durant lequel je croiserai de nombreux lapins (enormes !).
Je commence a fortement ressentir le besoin de bouger. Ces 5 jours a Ushuaia m’auront permis de nouer des liens plus profonds avec d’autres voyageu(-euses)(-rs). Cinq jours, et on se sent chez soi…
Mercredi matin, je deboule a l’aeroclub a 9h30 tapantes, pret a prendre place a bord de mon coucou. Stupeur a ma descente du taxi (sans tremblements) : entre mon reveil et mon arrivee sur la piste, un epais brouillard s’est leve et recouvre la baie. Impossible d’y voir a plus de 300 metres. Mon bon sens legendaire me fait dire que le decollage risque d’etre un peu complique, mais qu’avec les instruments, ca devrait le faire. Un peu angoisse quand meme (pas envie de voir mon vol annule), je rentre dans la salle faisant office d’accueil et tombe sur un vieux briscard au blouson de pilote. Il me serre chaleureusement la main, ce sera mon chauffeur. Apres quelques formalites, il me confirme qu’un depart On Time est plus que compromis, hors de question de voler par un temps pareil. Le brouillard est rare ici bas, mais on a le temps, c’est moi qui paie. J’adhere a sa philosophie et, ainsi proclame Maitre du Temps, nous attendons patiemment que le vent se leve pour nous degager tout ca. En entendant mon souhait de suivre des cours de pilotage une fois de retour au pays (je sais, le voilier + l’avion, ca fait beaucoup, mais bon…), Buck Danny m’emmene dans un hangar et me fait asseoir dans le biplace qui sert a l’instruction des futurs pilotes. Pendant 20 minutes, je peux chipoter aux flaps, au manche, a la radio,… Il m’explique longuement le role de chaque cadran, m’inculque deja le concept d’attention distributive (surveiller constamment le tableau de bord). Je suis comme un gosse. Et selon Omar (prenom officiel de Buck Danny), tous les pilotes sont des gosses… La formation coute 2000 dollars pour 40h. L’avion en coute 35000. Je me tate :o).
Petit a petit, la brume commence a disparaitre. Vers 10h30, on est pret a decoller. Je prends place a l’arriere de l’avion, l’avant etant occupe par Silvio, pilote encore en apprentissage, et Omar, son instructeur. Le concept est bien trouve : ce sont les touristes qui paient pour que l’eleve puisse voler et arriver ainsi au nombre d’heures requises pour postuler aupres des grandes compagnies aeriennes. Le touriste quant a lui se pose la question de savoir s’il ne prefererait pas voir le vieux briscard aux commandes, mais fini par se dire qu’il a l’air d’etre en de bonnes mains.
Cinq minutes apres le decollage, l’avion effectue un virage sur babord, et entame sa descente vers l’aeroport international d’Ushuaia (une piste, deux gates…), ne retrouvant une position horizontale que quelques secondes avant de toucher le bitume de la piste… Passage oblige par la douane, et nous avons le temps de rapidement prendre un cafe avant de reprendre notre route. Omar m’explique que c’est le fax qui a detruit le Concorde, que le jour ou je prendrai des cours de pilotage, j’arreterai de fumer et que, grace aux pourboires laisses a la fin des vols, ils financent la bibliotheque de l’aeroclub (tres tres finement joue ! Finaud Omar !). L’immigration passee avec succes, c’est reparti pour un tour. Tour de controle, checklist, tour de controle, decollage, survol du Canal de Beagle pendant 25 minutes et nouvel atterissage, en terre chilienne cette fois.
Je suis ravi, content, emballe. De 58000 habitants, je passe a 2250. De la ville touristique, je me retrouve dans une base navale tranquille, verdoyante et coloree. Puerto Williams, contrairement a Ushuaia, tient les promesses que je lui ai faites faire.. Le village est parseme de petites maisons blanches ou colorees, style canadiennes, construites pour resister a des temperatures extremes (meme si depuis 20 ans, les -20 degres hivernaux sont devenus -10 !). Les rues sont en terre, chaque habitation possede un petit jardin dans lesquels jouent des enfants. Les chiens paressent tranquillement sous les porches, de la fumee s’echappe des cheminees en aluminium. Le tout respire la tranquilite, et c’est beau !
Je prends mes quartiers dans une auberge du centre et pars me balader. La mission du jour : trouver un moyen de reserver le ferry hebdomadaire qui devrait m’emmener a Punta Arenas au terme d’un voyage de 40h. Apres un coup de fil et un mail, j’apprends que tout est complet pour les semaines a venir. Le ferry est le seul moyen pour Puerto Williams de s’approvisionner, et la demande est forte. Quelque peu decu, je me rabats sur l’avion. Plus economique, plus rapide, au lieu de croiser entre les montagnes, je les survolerai…
Au programme de ce jeudi, et probablement de demain, balades dans les environs, photos si soleil. Le rythme devrait fortement s’accelerer maintenant. Direction au Nord, bien plus au Nord…
J. aka el Perdido