Finalement, ma soupe au potiron, tant attendue et esperee, je ne l’aurai point eue, un groupe d’anglo-saxons fort bruyant ayant envahi mon petit restaurant de predilection… Mais qu’a cela ne tienne, je me suis rattrape le lendemain matin lorsque, au petit dejeuner commande avant de prendre mon bus, un enorme morceau de tarte au chocolat me fut servi (impossible d’y toucher, au ptit dej, ca faisait un peu trop…).
Il y a donc un tout petit plus d’une semaine que j’ai quitte El Chalten et son Fitz Roy. Mardi, j’apporte le petit dejeuner au coq et a ses poules (deux tranches de Bacon, un oeuf sur le plat et des Chicken Nuggets), leur inculquant ainsi quelques notions de cannibalisme… Je sais, c’est cruel… La journee sera longue, douze heures de bus le long de la Route 40. Le trajet est ponctue par de nombreuses haltes dans des Estancia perdues au milieu de nulle part. L’asphalte laisse vite la place aux bons vieux cailloux et nids de poules tant apprecies, et le voyage se passe dans les soubresauts et la poussiere. Vers 22h00, le bus me laisse devant une auberge du centre de Los Antiguos. L’accueil est chaleureux, et je suis heureux de me plonger sous la couette.
Mercredi matin, je decapite le coq et explose ses poules a la dynamite. Faut pas pousser non plus, il y a un moment ou me lever avant le soleil devient penible. Accompagne d’Olaf (un allemand) et d’Emma et Scott (un jeune couple anglais, tous rencontres dans le bus de la veille), je monte dans un petit van, direction la frontiere… Comme d’habitude, mon sac est inspecte (je ne me formalise plus), mais j’ai retenu la lecon : plus de fruits ni de fromages, je suis clean !
En repassant du cote chilien, je fais mon entree dans la region de Patagonie du Nord, connue pour sa route qui la traverse de part en part, la Carretera Austral. Non pavee, elle serpente a travers les montagnes, longe de multiples lacs, et se reduit bien souvent a un mince bandeau de terre empechant deux vehicules de se croiser. Les distances sont couvertes bien souvent en plusieurs jours, et relativement peu de touristes s’y engagent, les moyens de transport n’etant pas legion. Il est facile de s’y retrouver bloque pour plusieurs jours, et le seul moyen d’en sortir est soit de repasser en Argentine par voie terrestre, soit de prendre un ferry ou un avion.
De Chile Chico, je decide de prendre un ferry pour Puerto Ibanez, ou un bus assure le transfert vers la ville de Coyhaique, la capitale de la province. Le ferry ne dure que trois heures, et evite de passer deux jours dans un bus pour couvrir la meme distance. A Coyhaique, je prends mes nouveaux quartiers avec Olaf dans une auberge situee en plein milieu des bois, a 30 minutes a pieds du centre ville. Entoures de pins, chauffes au poele, je me sens loin de ses 150.000 habitants.
Durant tout mon sejour en Patagonie du Nord et le long de la Carretera Austral, j’ai ete epoustoufle par les paysages rencontres. Rien a voir avec le desert Argentin, il m’est difficile d’exprimer ce que j’ai ressenti durant cette traversee. Certainement l’un des endroits le plus preserve que j’ai pu voir, ou la diversite de la faune et de la flore peut encore s’exprimer a l’abri des dangers de notre facon de vivre, pour peu de temps encore. A partir de cette annee, deux entreprises vont commencer les travaux de construction de quatre barrages dans la region, afin de produire de l’electricite qui sera rapatriee vers Santiago a l’aide de 2300 kilometres de cables et d’un pilone tous les 70 metres… Deux de ces barrages seront situes sur le Rio le plus actif du monde, modifiant ainsi tout son eco-systeme. D’apres l’une des entreprises, l’exploitation des barrages ne sera plus possible dans 50 ans… Afin d’installer les precieux pilones, des milliers d’hectares de forets seront abattus, representant ainsi le plus grand chantier de deforestation au monde ! Tout ca parce que le Chili vit actuellement une croissance de la demande d’energie de 7% par an et qu’aucune autre solution n’a ete trouvee (ou envisagee ?). 50 ans de vie, toute une region defiguree par des pilones, des eco-systemes entiers menaces, la vision a court terme des autorites est choquante… Les quelques discussions que j’ai eues avec un volontaire d’une des ONG qui s’oppose au projet furent plus qu’interessantes, mais je doute que leur action soit couronnee de succes. Les enjeux financiers sont beaucoup trop importants…
Jeudi, petite journee tranquille a Coyhaique et a Puerto Aisen (ville ou se trouve le plus long pont flottant du Chili… selon eux… doit faire 50 metres de long…), entre deux bus. L’occasion de parcourir un peu les alentours de la ville et de se repeter inlassablement qu’on est bien mieux en Patagonie chilienne.
Vendredi, journee « bus ». De Coyhaique, 420 kilometres a parcourir pour rejoindre Chaiten, le tout en douze heures de trajet. Le « bus » se revele vite etre un minibus, et le minibus se revele vite beaucoup trop petit pour transporter 18 personnes et leurs bagages. Notre chauffeur fixe rapidement les sacs derriere la banquette arriere a l’aide d’une toile d’araignee de cables, et le couloir se remplit de caisses et autres residus de bagages. Pour ma part, j’herite du petit siege du fond, sur la roue. Je suis aux anges. Malgre l’inconfort relatif du minibus, la journee reste neanmoins splendide. La Carretera Austral nous emmene dans des recoins magnifiques de la region, ou nous croisons quelques cyclistes tres tres motives, et ou les ouvriers continuent d’elargir certains passages… A Chaiten, chambre avec vue sur la mer et une tenanciere sortie de la quatrieme dimension, qui manque de s’evanouir quand elle voit quatre touristes sur le pas de sa porte lui demander si elle a des chambres de disponibles.
Samedi, et pour quitter la Patagonie par la petite porte, j’embarque sur un ferry ayant comme destination les iles de Chiloe, archipel au sud de Puerto Montt. Les iles possedent une culture differente du reste du pays, et une mythologie relativement centree sur la mer, les marins, les sirenes, et tout les interactions possibles et imaginables entre differents esprits. Les iles hebergent egalement une multitude d’eglises en bois, dont certaines sont Patrimoine de l’Humanite. La traversee s’effectue sans encombres, malgre la tempete qui se dechaine sur Chaiten. Une fois en mer, calme plat et longue discussion avec deux marins bretons (etrange coincidence). L’un d’eux a vecu 30 ans sur son bateau, croisant principalement dans les Antilles, avant de le revendre et de s’acheter une ferme sur Chiloe. Mais marin un jour, marin toujours, il a commence la construction d’un nouveau navire, l’appel de la mer etant le plus fort… Debarque a Quellon (ville mondialement connue pour etre la fin de la Panamerican, qui relie Fairbanks-Alaska a Quellon-Chile), je saute dans le dernier bus pour Castro, ville situee plus au nord et reputee beaucoup plus charmante.
Dimanche, jour du Seigneur oblige, je visite differents villages de l’Archipel avec Jerome, un francais rencontre dans le minibus de l’avant-veille. Dalcahue, Achao, Curaco, chaque petit village a son eglise en bois et son port de pecheur.
Lundi, on the Road Again. De Chiloe, je me rends a Valdivia, ville universitaire situee au confluent de trois rivieres… Les paysages le long de la route sont toujours aussi splendides. J’apercois montagnes et volcans, le tout sous le soleil qui m’avait quitte depuis Chaiten…
Hier, grande journee balade dans la ville. Ambiance detendue, je me promene le long de la riviere et fait un detour par le marche au poisson. Juste derriere, une colonie de sea lions a etabli son quartier general. Farniente au soleil et bouffe gratuite procuree par les badauds, ils ont trouve la leur paradis. En fin de journee, accompagne de Emma et de Scott, direction la brasserie Kunstmann pour y visiter le musee et gouter les sept bieres produites dans l’endroit. Comble de malchance, et pour me rappeler ma visite du jardin des papillons au Costa Rica en juillet dernier, le musee est en renovation. Nous nous rabattons donc sur la degustation des bieres, attribuant une note a chacune, avant de prendre une colonne (2,5 litres) des trois meilleures… On est belge ou on ne l’est pas !
Ce mercredi, je planifie mon depart de demain et deambule gaiement dans le centre ville. Apres la Patagonie du Nord et les iles Chiloe, Valdivia represente une sorte de retour a la civilisation (qui ne m’avait aucunement manque d’ailleurs). Demain, direction Pucon et son lac, ou je devrais rester jusque vendredi soir ou samedi matin. Samedi, je prends Santiago d’assaut, y passe une nuit de principe, avant de m’envoler pour l’Ile de Paques dimanche matin pour la chasse aux oeufs… Une petite semaine relax au pieds des statues, j’ai hate !