Bryan est peut-etre dans sa cuisine a l’heure actuelle, mais ce qui est sur, c’est que j’ai passe cinq jours en sa compagnie sur Rapa Nui !
Bryan est americain, originaire de cet etat ou « Everything is bigger ». La cinquantaine, une garde-robe aussi fournie que la mienne (entendez qu’il change de T-Shirts aussi souvent que moi), affuble d’une casquette irremediablement vissee a son occiput quelque soit l’heure du jour ou de la nuit, il a le look de la nationalite…
Ma prise de contact avec Bryan fut breve et mortellement banale. Un echange de « Tu viens d’ou ? », « Quelle ville ? » et des commentaires qui suivent chaque reponse. Il faut savoir que Bryan aime voyager et qu’il le fait generalement de maniere tres econome. A son actif, pas moins de 66 pays en 5 ans, les principales capitales europeennes en deux semaines, et un souvenir loin d’etre indelebile de Bruxelles. « A part un gamin qui pisse dans un seau et neuf boules qui flottent dans l’air, Bruxelles, c’est bof » furent en resume ses propos lors de l’enonciation de ma ville de residence. Je ne lui ai pas parle de Janneke ni de la Basilique de Koekelberg, ne voulant pas le froisser le premier jour…
Chauffeur de poids lourds dans le plus beau pays du monde, il vit dans la cabine de son 18 roues. Son argent est depense en voyages et en cadeaux qu’il fait a sa famille (remboursement de prets hypothecaires,…). Ancien sans domicile fixe, plongeur dans un restaurant, licencie du MacDo local pour service en etat d’ebriete, Bryan connait la valeur de l’argent et 1000 pesos, ce sont 1000 pesos crevin ! C’est pour cette raison que Bryan a pris trois vols pour venir sur l’Ile de Paques, et economiser ainsi 200 US dollars. Venant de Tahiti (ile d’ou la compagnie LAN vole quotidiennement vers Rapa Nui, 5h de vol), il a prefere prendre un vol pour Los Angeles, suivi d’un autre pour Santiago, avant d’aterrir sur l’Ile de Paques apres… 40 heures de voyage…
Bryan, c’est aussi une bouteille de limonade remplie d’eau du robinet congelee qu’il garde aupres de lui en permanence, une boite de flocon d’avoine qu’il accompagne volontiers d’une ou deux canettes de biere, et un professionnel des auto-goals au Kicker (et comme nous etions dans la meme equipe, que je m’occupais de l’attaque, autant vous dire que j’ai du prendre sur moi pour ne pas lui enfoncer l’une des tiges dans son conduit auditif droit).
Un element majeur de la personnalite de Bryan est qu’il peut soit etre parfaitement silencieux, soit bavard comme ce bon vieux Fidel maintenant retraite. Ainsi, si vous n’etiez pas present dans la partie commune de l’auberge mais dans votre chambre ou en retrait, vous pouviez etre sur d’entendre l’histoire de Bryan over and over, mots pour mots et a la virgule pres, en fonction des personnes le rejoignant. Et pas question d’ecourter votre echange avec lui en lui disant que vous aviez deja tout entendu de loin. Quand Bryan vous parle, il vous parle et fait fi de toute objection !
L’evenement marquant de la semaine de Bryan fut le jour ou il revint a l’auberge en possession d’une pierre volcanique. Emballe qu’il etait, nous avons tous eu le droit (l’obligation ?) de l’admirer et de nous extasier devant la legere teinte pourpre qu’elle possedait. Pour Bryan, c’etait le cadeau ideal pour son frere. Gratuit, ramasse lors d’une promenade, venant de Rapa Nui, c’etait parfait. Lorsque je lui ai fait remarque que, vu les circonstances actuelles et la deterioration que Marko, mon colocataire, avait inflige a l’un des sites de l’ile, il n’etait peut etre pas prudent de tenter de franchir la douane avec un bout de roc dans sa poche, Bryan ne s’est pas laisse abattre pour un sou, que du contraire. En deux jours, toutes les autorites de l’ile furent consultees afin de savoir s’il risquait quoi que ce soit. Une seule solution pour faire sortir la pierre de l’ile : demander au musee local un certificat attestant que la pierre ramassee etait sans valeur archeologique, et pouvait donc quitter le territoire. Bryan etait aux anges : il allait probablement pouvoir offrir sa pierre a son frere, ainsi que le certificat declarant qu’elle etait totalement sans valeur (sic) ! Malheureusement, le musee ne certifie que les artefacts originaux, et s’est avere incompetent dans la certification de l’absence de valeur d’un bout de caillou volcanique. C’est donc la mort dans l’ame que Bryan parti, un soir ou le ciel s’enluminait de millions d’etoiles et ou les chiens hurlaient a la lune, redeposer son roc a l’endroit exact ou il l’avait trouve…
Bryan, c’est aussi le gosse qui sautille apres avoir pris une photo du coucher de soleil sur le site de Tahai, en s’exclamant « That’s a keeper, that’s a keeper » tout en montrant sa photo a tout bipede present sur site. Une semaine qu’il y vient tous les jours et qu’il est decu du resultat, et voila que son dernier soir lui livre le cliche tant attendu (un peu oblique, il s’en rendra compte par la suite… J’ai essaye de lui parler de Photoshop mais la sauce n’a pas pris…).
Bryan, et a mes yeux, etait un personnage attachant, touchant, et blinde d’une certaine experience de vie qui inspire le respect. Le dernier jour, il me confia qu’il etait content de rentrer a la maison. Ses quelques mois de voyages lui suffisaient, et il avait le sentiment d’etre arriver au bout des raisons qui l’avaient pousser a partir. Parmi ses projets futurs, il compte essayer de partir en Chine donner des cours d’Anglais. Une chose est sure : nous ne sommes pas pres d’oublier le jeu de cartes chinois qu’il nous a enseigne et qui a occupe bon nombre de nos soirees ! That’s a keeper !